La température effective de la Lune serait de -3°C. Qu’est-ce que cela signifie ?
La notion de température effective a été introduite dans la climatologie. De quoi s’agit-il ?
Voici la définition qui en est généralement donnée :
Température effective radiative :
1. Un concept théorique
On calcule une température théorique, Teff, pour une planète “idéale” :
- pas d’atmosphère ;
- surface uniforme qui se comporte comme un corps noir (tout le solaire absorbé, tout ré-émis en IR) ;
- aucun stockage de chaleur ni inertie jour/nuit.
On pose simplement :
puissance solaire absorbée = puissance infrarouge émise vers l’espace.
D’où la formule : σ Teff4 = (1 − A) S0 / 4.
Pour la Terre : Teff ≈ 255 K (-18 °C).
2. Ce n’est pas la température “au sol”
- La loi σ T4 est non linéaire : la moyenne du flux n’est pas le flux d’une température moyenne.
- La vraie Terre est hétérogène (océans, continents, pôles, déserts) et tourne ; les écarts locaux sont importants.
- Avec une atmosphère et des nuages, l’approximation “corps noir sans inertie” devient insuffisante : vapeur d’eau, convection et nuages redistribuent et stockent l’énergie.
Au lieu de dire :
« Sans atmosphère, la Terre aurait une température moyenne de −18 °C. »
il vaudrait mieux préciser :
« Sans atmosphère et si elle se comportait comme un corps noir uniforme, la température radiative effective de la Terre serait d’environ 255 K (−18 °C) ; c’est la température qu’il faut pour que la planète émette exactement l’énergie solaire qu’elle absorbe. »
La température effective représente donc une température moyenne sous l’hypothèse non dite que l’irradiance soit uniforme, que la surface soit uniforme, qu’il n’y ait pas d’atmosphère et pas d’inertie. Sans l’hypothèse d’une irradiance uniforme, nous n’avons pas le droit, c’est d’ailleurs dit plus bas, d’appliquer la loi de Stefan-Boltzmann.
Dans le cas de la Lune, cet ensemble d’hypothèses est faux pour le rayonnement entrant et faux aussi pour le rayonnement sortant, pour deux raisons : l’irradiance est très loin d’être uniforme, aussi bien du côté entrant que du côté sortant. Il y a par ailleurs une inertie qui est très loin d’être négligeable, même sur la Lune.
Or, en sciences, lorsqu’une hypothèse est fausse dans un raisonnement, celui-ci ne vaut rien. Donc affirmer que la température effective de la Lune est de -3°C ne veut rien dire de concret pour la Lune. Ce concept théorique – Il est toujours possible d’inventer toutes sortes de concepts théoriques, encore faut-il justifier leurs applications pratiques – n’a aucun intérêt concret en ce qui concerne la Lune.
Celle-ci a une température moyenne de l’ordre de -75°C, sans aucun rapport avec sa température effective. L’intérêt profond de ce concept m’échappe donc totalement dans le cas de la Lune.
Dans le cas de la Terre, la situation est un peu différente : l’hypothèse d’une irradiance uniforme est juste pour le rayonnement sortant et fausse pour le rayonnement entrant. Par contre il y a une atmosphère et le sol constitué à 70% d’océan possède une inertie considérable.
En considérant le système Terre-Atmosphère, on peut éviter les deux dernières objections. Le système Terre-Atmosphère n’est pas entouré d’une deuxième atmosphère et peut être considéré comme un corps noir dans la mesure où son échange thermique avec le cosmos ne peut se faire que par rayonnement. L’inertie de l’océan concerne le sol et non pas le système Terre-Atmosphère. Il est donc possible de tirer comme conclusion pour le rayonnement sortant de ce système qu’il est bien un rayonnement à -18°C ( température effective calculée pour la « Terre », en réalité pour le système Terre-Atmosphère ).
Cela signifie que l’Atmosphère ( c’est elle qui rayonne vers l’espace ) est à -18°C de température moyenne. Ce résultat est plus que plausible puisque la température de l’Atmosphère varie de 15°C en moyenne tout en bas à -60°C tout en haut.
Mais ce résultat n’a aucun rapport avec la température au sol et n’a pas à être rapproché de cette température au sol, pour quelle raison le ferait-on ? Au sol, toutes les hypothèses sont fausses ! La température au sol, ce n’est pas, répétons-le, la température moyenne de l’atmosphère, mais sa température maximum.
Par contre, comme les hypothèses sont fausses pour le rayonnement entrant, qui est très loin d’être uniforme, nous ne pouvons rien tirer comme conclusion du concept de température effective au sujet du rayonnement entrant.
S’il fait 15°C en bas de l’atmosphère, ce n’est pas à cause des gaz à effet de serre dont l’introduction ne rime à rien, mais à cause de la pression atmosphérique de l’atmosphère qui met en jeu le poids de tous les gaz de l’atmosphère, couplée notamment la nuit avec l’inertie de l’océan et les circulations de chaleur induites par les courants atmosphériques et océaniques. Les gaz à effet de serre, dont le rayonnement vers le bas ne peut pas atteindre le sol ( il est absorbé avant ) ne sont pour rien du tout dans cette affaire.
Conclusion :
La notion de température effective n’apporte qu’une seule chose de concrète concernant la Terre et rien du tout de concret concernant la Lune.
Ce qu’elle apporte de concret est très clair : Le système Terre-Atmosphère et non pas le sol peut être considéré comme un corps noir émettant dans l’espace un rayonnement à 255 K ou -18°C. Cette dernière température est la température moyenne de l’atmosphère. En aucun cas elle ne représente ni la température au sol réelle, ni non plus la température « qu’aurait le sol s’il n’y avait pas de gaz à effet de serre ». L’exemple de la Lune montre que sans atmosphère et sans gaz à effet de serre, avec l’inertie propre à la Lune, le sol serait, en supposant de conserver le même albédo que celui de la Lune, ce qui est plausible, à une température moyenne de -75°C et non pas de -18°C. »