J’en viens à la thèse évoquée dans la page a). Après avoir exposé mes calculs sur la contribution du rayonnement solaire à l’un de mes interlocuteurs, celui-ci m’a posé la vraiment très, très étrange question suivante : « Comment gérez-vous la sortie du rayonnement pendant la nuit ? ». J’avoue m’être creusé la cervelle très longtemps pour essayer de comprendre ce qui pouvait se passer dans la tête de mon interlocuteur pour poser une pareille question…
Mes calculs étaient fondés sur la remarque que le système Terre-atmosphère était, ce dont mon interlocuteur convenait, en équilibre radiatif. Le rayonnement sortant la nuit intervenait bien évidemment dans cet équilibre. Donc ce rayonnement sortant était parfaitement géré par cette remarque même. Il s’ajoutait tout simplement au rayonnement qui sortait le jour afin de compenser le total du rayonnement entrant, qui, lui, n’entrait que du côté jour. Je ne voyais donc absolument pas où était le problème que se posait cet interlocuteur…
J’ai fini par comprendre son étrange question le jour où, suite à un échange sur la loi de Stefan-Boltzmann, mon interlocuteur m’a assuré que la seule situation où il était possible d’appliquer cette loi de façon correcte était la suivante, je le cite : « On ne peut appliquer la loi de Stefan-Boltzmann que si au même instant et au même endroit il y a équilibre entre le rayonnement entrant et le rayonnement sortant »
De très nombreuses raisons me conduisent à réfuter cette thèse. Nous allons les passer en revue.
1- Cet interlocuteur m’assure dans le même temps qu’il a le droit d’appliquer la formule de Stefan-Boltzmann à une moyenne d’irradiance. Apparemment, il ne se demande plus, si, en pratiquant ainsi, chaque point du globe évacue exactement autant qu’il en rentre en ce point (au même endroit selon lui)… Il est vrai que les calculs du GIEC sont arrangés pour dire que tout se passe comme s’il en était ainsi. Ces calculs affirment bel et bien qu’il entre et qu’il sort d’un point du globe quelconque 340 W/m². Ceci est vrai du côté sortant. Donc ce serait vrai du côté entrant. Répétons-le, l’existence du jour et de la nuit est ignorée, ainsi que la rotondité de la terre. Je laisse le lecteur juger de la valeur de cette thèse, comme quoi le rayonnement entrant en chaque point égalerait le rayonnement sortant en ce point.
2- L’article de Hurley & al. sur la température de la Lune sépare, comme il est logique, la température la nuit et la température le jour. La nuit, le modèle mathématique correspondant n’est fabriqué de toutes pièces qu’à partir des mesures des satellites. Il n’y a, en effet, pas d’autre méthode possible puisqu’il n’y a pas de rayonnement solaire la nuit : impossible d’appliquer la loi de Stefan-Boltzmann la nuit sur la Lune. Par contre, le jour, Hurley applique ou plus exactement évoque bel et bien la loi de Stefan-Boltzmann, laquelle confirme son propre modèle, très légèrement remanié. Pourquoi donc Hurley l’évoque-t-il ? Est-ce, comme me l’a dit cet interlocuteur, parce que, je cite: « en raison de la lenteur de la rotation de la Lune, la surface de la Lune a suffisamment de temps pour se réchauffer et donc de nous permettre d’appliquer la loi de Stefan-Boltzmann ? »
Si cet interlocuteur avait raison, qu’est-ce que cela entraînerait ? Selon lui, il ne peut appliquer la loi de Stefan-Boltzmann en un point de la Lune que si le rayonnement entrant et sortant au même instant en ce point (au même endroit donc) sont égaux. Cela signifierait donc, toujours selon lui, que tout le rayonnement entrant en chaque point éclairé de la Lune sortirait directement de ce même point et en même temps. Cela signifie que tout ce qui entre du côté jour est immédiatement évacué du côté jour également. Par conséquent, il oublie purement et simplement que pendant ce temps-là, un rayonnement non négligeable sort de la Lune du côté nuit. Ce rayonnement nocturne fait pourtant partie du rayonnement total sortant de la Lune. La conclusion s’impose : comme il a supposé que tout le rayonnement entrant côté jour est égal à tout le rayonnement sortant du côté jour, la Lune n’est donc plus en équilibre radiatif. Tout ce qui sort la nuit vient s’ajouter à ce qui sort le jour. Le rayonnement qui entre ne suffit donc plus à compenser la sortie… Et cet interlocuteur vient me reprocher de ne pas gérer correctement le rayonnement sortant la nuit alors que c’est bien son raisonnement qui ne le gère pas correctement : le rayonnement sortant est pris en compte deux fois, donc doublé, dans son raisonnement, une fois côté jour et une fois côté nuit …
Je laisse également le lecteur juge de la valeur de cette thèse.
3- Dans la réalité, Hurley & al appliquent la loi de Stefan-Boltzmann parce que la Lune est en équilibre radiatif, ce qui signifie, répétons-le, que ce qui entre le jour à chaque instant est compensé par la somme de ce qui sort le jour et de ce qui sort la nuit au même instant. Mais certainement pas au même endroit. Y a-t-il là une erreur ? Non : il n’y a rien d’extraordinaire là-dedans. Les lois ordinaires de l’équilibre, du moins celles que je connais, n’exigent pas, ce qui est totalement absurde, que le rayonnement entrant en un point soit compensé par le rayonnement sortant en ce même point. Elles demandent seulement que le total du rayonnement entrant soit compensé par le total du rayonnement sortant au même instant. Il en est ainsi dans l’analogie assez claire suivante : prenons un barrage assez long, d’une longueur de 30 km par exemple, sur un cours d’eau. A quelles conditions l’eau du barrage sera-t-elle en équilibre à un niveau donné ? La réponse est que ce qui sort comme eau en dessous du barrage doit être égal à ce qui entre comme eau en amont du barrage, n’importe où, mais par contre, car c’est cela qui importe, au même instant. Certainement pas au même endroit.
La question posée initialement : » comment gérez-vous le rayonnement qui sort la nuit » n’a donc pas lieu d’être. Non seulement elle n’a pas lieu d’être, mais elle conduit à envisager qu’il en sort plus qu’il n’en entre en comptant deux fois le rayonnement sortant la nuit. Une première fois pour respecter l’équilibre et une seconde fois pour « gérer le rayonnement sortant ». Au total il s’agit d’un raisonnement faux mais assez difficile à déceler comme tel !